«Petit pays» - Gaël Faye
éditions Grasset
Sortie en 2016
Pages : 217
Pays : France, Rwanda, Burundi
Résumé :
«Mais au temps d’avant, avant tout ça, avant ce que je vais raconter et tout le reste, c’était le bonheur, la vie sans se l’expliquer. L’existence était telle qu’elle était, telle qu’elle avait toujours été et que je voulais qu’elle reste. Un doux sommeil, paisible, sans moustique qui vient danser à l’oreille, sans cette pluie de questions qui a fini par tambouriner la tôle de ma tête. Au temps du bonheur, si l’on me demandait « Comment ça va ? » je répondais toujours « Ça va ! ». Du tac au tac. Le bonheur, ça t’évite de réfléchir. C’est par la suite que je me suis mis à considérer la question. À soupeser le pour et le contre. À esquiver, à opiner vaguement du chef. D’ailleurs, tout le pays s’y était mis. Les gens ne répondaient plus que par « Ça va un peu ». Parce que la vie ne pouvait plus aller complètement bien après tout ce qui nous était arrivé.»
Avis :
Comme tous les ans, j’achète le Goncourt des Lycéens les yeux fermés. Gaël Faye est né en 1982 au Burundi, d’un père français et d’une mère rwandaise. Toute la richesse culturelle de «Petit pays» tient dans cette phrase. L’auteur est là pour nous rappeler qu’il y a eu dans ces endroits du monde, de vrais moments d’amour, de complicité, de joies enfantines.
Le personnage de Gabriel n’est pas un enfant pauvre, d’un quartier mal famé, d’un pays déjà en ruines, ne vit pas dans un endroit où les tirs sont quotidiens. Il vit dans une maison avec terrasse, jardin, avec des domestiques qui lui préparent son petit déjeuner.
Au début du roman, la guerre n’a pas encore éclaté. Des enfants s’amusent, ils ont onze ans, profitent de leur impasse arborée, piquent les mangues de la voisine. Ils ont une vie riche et aimante...avant que tout ne s’effondre. Comment se construire à seulement onze ans quand on doit fuir son pays en quelques semaines, parce que la violence a fait irruption dans sa vie ? Comment vivre son métissage quand on est né au Burundi d’une mère rwandaise et d'un père français ? Est-on Hutu ou Tutsi ?
Face au monde tel qu’il est aujourd’hui, le choix des lycéens me parait évident. «Petit pays» semble refléter la peur actuelle de la jeunesse occidentale face à une possible dégringolade du système.
J’ai lu, relu, lu encore le chapitre 30 pour en savourer chaque phrase avec délice. Ce livre aurait été encore plus saisissant s’il y avait eu un peu plus de passages de cette envoûtante écriture.
Premier roman, Goncourt des Lycéens 2016, chapeau bas.
Conseil de lecture :
À lire en coupant tous moyens de communication : pas de twitter, pas de facebook, pas de radio, aucun possibilité d’entendre les politiques le temps de votre lecture. Écartez-vous du monde le temps de ces 217 pages. Et surtout réconfortez-vous en allant boire un chocolat chaud avec vos parents, quelque part en ville, dans un salon près d’une cheminée, racontez vos souvenirs d’enfance autour d’un album photo.